vendredi 19 octobre 2007

Une collecte d'histoires parlées

Certains jours, je me plais à penser que le grandlivre n'est peut-être qu'une rêverie. La rêverie d'un livre titanesque, ramassis de mots, d'images, et de sons, tels les débris de marmots, de bras coupés, et d'animaux composant la robe de La mariée de Niki de Saint Phalle. Le modèle que je lui donne actuellement est tout simplement et immodestement peut-être "Les contes de Canterbury". Oui, une collecte d'histoires parlées. Une série d'histoires de ce temps nouveau, mais déjà ancien, entrant curieusement en relation entre elles. Trop aveuglée par mon grand projet, j'ai du me replier sur une histoire, une des microhistoires qui composeront peut-être le grandlivre. Une voix de femme seule obsessionnelle, poussée jusqu'à la plus grande liberté possible (qui pourra être envisagée aussi comme la plus grande des automaticités).

mardi 3 juillet 2007

Quoi de pire

Quoi de pire que de voir chez un médiocre une tentative d'écrire le grandlivre (qui ne se contente plus de s'écrire) ? C'est tout simplement accablant de voir ainsi gaspillée une ambition somme toute bonne, et qui, dans les meilleurs jours, est même la seule qui me donne du souffle ! Finalement, cela se passe toujours comme ça : les meilleures idées sont réalisées par les plus mauvaises mains, si bien que sans cesse, les bonnes idées sont gâchées de façon tout à fait lamentable. Et les meilleurs d'entre nous n'ont plus qu'à réaliser des idées déjà réalisées, ou, encore, de petites idées que les plus mauvais ne nous auront pas (encore) volées (car les plus mauvais sont toujours, par hypothèse, les plus rapides à l'exécution, pour des raisons aisément devinables). Ceci est à prendre comme un avertissement : quiconque s'attèlera au grandlivre tentera d'être un peu talentueux, je veux dire, expérimentera vraiment quelque chose. Vous me promettez de faire un effort ?

mardi 19 juin 2007

macro ou microscope ?

Régulièrement, se pose la question de la maladie de l'oeil : myopie ou presbytie ? L'écriture ne peut être qu'une maladie de l'oeil. Le tout est donc de choisir sa maladie. "Petit" livre ou livre total ?

dimanche 22 avril 2007

En parlant

En parlant à ma grande amie, dans un café au nom assez insolite pour m'égayer malgré tout, j'ai été reprise, soudainement (le jour est sans doute mal choisi pour l'évoquer) par l'enthousiasme du grandlivre, du livre qui s'écrit dans toutes les directions, et ne connait pas de limites. Ni géographiques (le grand livre n'attend pas le lecteur, mais dé-boussolé, pourfend le monde, galoppe dans toutes les directions à la fois, touche simultanément toutes les parties du globe), ni temporelles (il est édité dès qu'il est écrit, s'écrit pendant qu'il est lu), ni de supports (oeuvre plus totale que le film, la revanche du texte). En écoutant les arguments de ma grande amie pour le papier, caractère fini, appropriable du livre papier, mais aussi intime, l'ami que l'on emporte partout avec soi,la concentration que l'on n'acquiert pas devant un écran, le retrait particulier qu'implique le livre-papier, je suis résolument convaincue de la potentialité immense, euphorisante du grandlivre.Pas vous ?

mercredi 11 avril 2007

Impatience

Je n'en peux plus d'attendre. J'aimerais qu'il se passe quelque chose au plus vite. Lire quelque chose de totalement neuf, qui me déchire la pensée, voir quelque chose de fulgurant, qu'une idée, une véritable idée, soit prononcée. Mais rien ne se produit, ou jamais assez vite. Des dizaines de livres me tombent des mains, ou pire me plaisent à moitié. Et il faudrait m'en contenter ! Rognures d'ongles, nous dit ce brave Henry Miller, prendre des rognures d'ongles de ce qui nous tombe sous la main. Mais avouons que les rognures d'ongles n'appaisent que faussement la faim, et n'ont pas bon goût, n'ont pas de goût à vrai dire.

vendredi 30 mars 2007

De vous à moi

De vous à moi, la tentation est souvent forte d'abandonner la partie du grandlivre. De laisser là mes exigences, sans doute obsolètes, et d'écrire un bon petit roman bien linéaire, à peine écrit, et d'accepter de lire les bons petits romans, linéaires, à peine écrits, que l'on nous prie d'ingurgiter sans broncher. Je suis assez contre le style en littérature. Non pas que je prône la transparence de l'écriture, bien au contraire. Mais l'idée d'une langue belle, élégante, précise, qui composerait le beaustyle d'un écrivain m'écoeure plus qu'autre chose. Car qui sait parler et qui sait écrire ? Je préfère à ceux qui prétendent savoir écrire, ou apprendre à le faire, ceux qui, comme Novarina, prétendent désapprendre la langue, écrire pour la défaire, pour ne plus rien savoir d'elle. Ce n'est que lorsque la littérature atteint ces degrés-là d'inconnaissance, qu'elle mérite d'exister.

lundi 5 mars 2007

Tout viendrait du Livre

Comment ne pas être attirée, tentée, par cette imagerie de la grande Institution qui nous ferait presque croire que tout vient du Livre. Non pas d'un livre ou de livres, mais du Livre, scindé en deux : Livre des lois évoquant directement le Livre confié à Moïse. Parmi les dorures, les anges supermusclés et définitivement sexués, les femmes nues chevauchant le temps, les têtes un peu maladroites de personnages censés suggérer la justice, les codes des lois, diffusant la lumen justitia, sont devenus les Torah et Talmud de la synagogue laïque.

mercredi 14 février 2007

La Grande Institution

Arpenter les couloirs de la Grande institution immédiatement intrigue. Tapis rouges, bustes et photographies, livres devenus littéralement éléments du décor, que devient, par la force des choses, et inévitablement (qu'elle le veuille ou non) la grande institution. En marchant dans les longs couloirs déserts et silencieux, sous les dorures, environnés de livres, viennent à l'esprit d'autres plans, ceux d'Alain Resnais dans l'Année dernière à Marienbad. Dans le décor qu'est inévitablement la grande institution, la voix de Delphine Seyrig nous conduit, et nous perd, et on ne se déplace que dans de longs travellings avec une souplesse (et une grâce) que seules peuvent avoir les machines. Vous seriez étonnés. Tout ce décor de, ce que je nommerais, par goût et devoir du secret, la Grande institution, intrigue, oui. Fait (l')intrigue.

samedi 27 janvier 2007

Une lueur d'espoir, vous avez ?

Des mois ont passé avant de revenir, d'écrire à nouveau ici. Plus que cela : avant d'avoir l'impulsion nécessaire pour proposer quelque chose, et pour rire du reste. En fin d'après-midi, lecture de Régis Jauffret, l'un des meilleurs ficteurs français contemporains, à coup sûr. Microfictions. Tout de suite, je suis génée par l'homme, assis là, absolument antipathique. On devrait ne jamais savoir qui se cache derrière les textes. Il lit, mal, boit, sa performance s'améliore légèrement. Ne pas écouter, pour pouvoir encore lire, fuir le plus vite possible. Quelques femmes présentes. L'une en manteau de fourure, blonde, embarrassante, paraît sortir tout droit d'un livre de Jauffret : pourquoi "microfictions", pourquoi pas "nouvelles" ou "billets d'humeur" ? Jauffret parle du roman, le roman classique n'a jamais existé. On vit dans la fiction du roman classique, avec des caractéristiques qui n'ont jamais été celles d'aucun roman. Balzac n'était pas classique en son temps... Une femme plus jeune se saisit avec avidité d' "Histoire d'amour", le titre, ne le lâche plus, demande : et un livre avec une lueur d'espoir, vous avez ? RG: je suis assez contre la lueur d'espoir