Fidélité

Avant son divorce,Madame M. exposait dans son bureau une photo de son mari en fond d'écran. Depuis, elle lui a substitué une image de son chien.

Enfance

Mon enfance était une ouverture incessante des boîtes disposées dans les appartements que je connaissais, chaque boîte m'apparaissant comme un portail miniature sur l'extraordinaire savoir des adultes ; ces coffrets mystérieux, décorés de dorures, de nacre ou de couleurs trop vives me promettaient de grandes découvertes. Mais lorsque je les ouvrais, je n'y trouvais que la déception d'une navrante vacuité, ou pire, d'un trésor dérisoire.

Les choix obscurs de l'éditeur de fiction

Voilà des écrivains, des "auteurs", dit-on dans le jargon de l'édition, réunis autour d'un verre. Tous ont tenté d'envoyer leurs manuscrits chez un éditeur réputé pour éditer plutôt de la littérature, ce qui n'est pas si fréquent pour un éditeur de fiction. L'éditeur leur a écrit à chacun une longue lettre enthousiaste et personnelle. Livre libre pour l'un, fascinant pour l'autre, drôle enfin pour un troisième. Il est subjugué par ces manuscrits, mais il a décidé de ne pas publier ces livres extraordinaires, pour la seule raison qu'il n'en comprend pas le projet ; comme si un livre était nécessairement le fruit d'une idée, d'un concept.

Poésie universelle

« La Tour Eiffel la nuit est comme une flamme ou une torche dans l’obscurité », me dit-il, lui qui dispose d’une vue sur le monument illuminé. Il me demande si cette métaphore est poétique, si elle est digne d’être écrite. Mais je suis bien incapable de l’éclairer sur la poésie de sa Tour Eiffel-torche.

Barrer

Il y a quelques années, ce jeune écrivain rock'n roll me disait : "un écrivain, c'est ça, c'est savoir barrer. Un écrivain est quelqu'un de totalement barré. Il faut être barré sinon on n'est pas écrivain". Pour lui mon livre était barré (et c'était à son avis un sacré atout) mais nécessitait encore que je barre. Depuis, ce jeune écrivain rock'n roll s'est barré de la scène de la poésie rock'n roll.

Mouvement réactionnaire

C’est une ville de sourds, mais de sourds qui ignorent leur surdité, que nous réservent les bibliothèques de musique portatives.