mercredi 28 décembre 2005

Le grand livre est-il religieux ?

Dans un dossier sur la poésie contemporaine fait par Action poétique, une remarque très surprenante de Philippe Beck : la poésie contemporaine est religieuse. On s'attendait à beaucoup de choses, mais pas cela. Une des critiques annoncées d'emblée était précisément que la poésie perdait ses formes et précisément sa profondeur (cf Heidegger) traditionnelles (perdait ses re-pères ?). P. Beck écrit que la poésie contemporaine est religieuse en ce qu'elle croit au livre à venir, croit tant au livre à venir, qu'elle n'écrit que sur ce dernier. Il s'était d'ailleurs pris certaines remarques acides de Poncet dans la Main de Singe en pleine tête. Peut-être Beck pensait-il à Jacques Roubaud, et Onuma Nemon, car à part eux, je ne vois pas trop qui, d'encore vivant, à l'heure actuelle, nourrit ce type de prétentions. Le livre des temps nouveaux, lui, n'en restera pas à l'état de projet : il sera effectivement écrit.

mardi 27 décembre 2005

Le grand livre selon Dostoïevski

Se donner pour tâche d'écrire un livre plus grand que soi.

lundi 26 décembre 2005

Aluminium

Charlotte Perriand, décoratrice d'intérieur à Paris ( a notamment bossé avec Le Corbusier) : l'artiste des temps nouveaux est celui qui sait utiliser les moyens techniques offerts par son époque. Epilogue pour aujourd'hui : Charlotte Perriand a hissé son art à la hauteur de l'aluminium.

dimanche 18 décembre 2005

"On est là pour voir le feu d'artifices, non ?"

Blow out de De Palma. L'éclatement. Eclatement de feux d'artifice, joie, fête de l'indépendance, de la liberté. L'individu force la foule, l'individu tente d'être à lui seul le courant contraire à tout esprit de fête, de perforer la masse automatisée de la fête, de sa tragédie : celle de n'être que le témoin, que le témoin du meurtre, de la violence dissimulée en train de se produire, et de toute son impuissance à agir.
A rebours de cet éclatement, la reconstitution de la naissance du cinéma, bricolée : photos mises bout à bout pour faire film, synchronisation avec la bande sonore. Et c'est avec toutes les oreilles que l'on voit.
Blow out (qui suggère Blow up d'Antonioni, et une autre explosion : celle de la bourgeoisie, d'une villa bourgeoise, et qui reste toujours à venir), donne des envies d'explosions futures : d'explosions du film sur l'éclatement ; donne le désir d'un film qui reprendrait le film et tirerait jusqu'au bout les conclusions du blow out : vers un nouveau cinéma, dont la reconstitution historique prendrait naissance avec le film même, film manifeste, film-feux d'artifice.
Le grandlivredestempsnouveaux serait, lui, le livre-feux-d'artifice.

mercredi 14 décembre 2005

voilà

C'est en regardant cet homme dans le métro, en regardant ce type avec, un livre ouvert, sur les genoux. Je me suis penchée, toujours curieuse de voir, de savoir ce qu'ils peuvent bien lire tous ces gens, tous ces gens, rares, qui lisent dans le métro, et qui me font presque toujours penser à je ne sais plus quel film de Rohmer je crois "j'ai pile le temps de lire durant mon trajet en train : plus longtemps serait trop, et moins, pas assez. Le temps de mon voyage quotidien correspond exactement au temps qu'il me faut de littérature par jour" (ou quelque chose comme ça). Et là, comme presque à chaque fois, à la curiosité succèdent le ricannement et l'aigreur : un style ringardement à la mode me saute au visage, et me mord avec ses tirets, et ses dialogues soporifiques, me griffe avec ses images préfabriquées, où l'on pourrait presque déceler de l'amiante ( Eternit, l'ennui de l'éternité assuré en moins de quelques années d'exposition). Monologue intérieur habituel : mais où est passée la littérature ?
J'en viens à aimer les livres d'Hugo vus dans le métro, car c'est tellement rare, tellement rare, oui, de voir de la littérature dans les mains vues dans le métro, que je viens à aimer ce brave Hugo qui n'a passionné que mes quinze ans.
Vous me direz que je m'égare, mais non. Au spectacle de cet homme qui lit, devant tous les hommes, dans la même position, lisant des livres plein d'éternit, j'ai envie de cracher sur les pages, de les brûler dans la colère. Je me sens solidaire de tous les non-lecteurs, je les comprends profondément : le livre n'est rien de rien, et devrait disparaître au plus vite. Je me dis mais pourquoi pourquoi je devrais, moi, défendre ce vieux machin que l'on appelle littérature, et que tout le monde conchie, pourquoi me reviendrait-il à moi de prendre fait et cause pour ce pauvre Victor Hugo, moi qui ai peine à croire à quelque chose ?