jeudi 27 juillet 2006

évidemment

Evidemment, le grandlivre est une hérésie. Parce qu'en soi, un livre contredit, dément, détourne toutes les grandes religions contemporaines. Le grandlivre d'autant plus.

mardi 20 juin 2006

Les promesses de la dématérialisation

Pour en revenir au grandlivre (mais il n'était question que de lui), il convient de ne pas trop dévoiler le projet, pour ne pas encourager les plagiaires. Si tout à chacun est déjà en train d'écrire le grandlivre, il convient de tenter de limiter, de freiner mes concurents, parmi lesquels vous êtes peut-être.
Cependant, je peux tout de même révéler que le grandlivre est le fruit de la grande dématérialisation ; du texte sorti du "livre" classique, du livre dont l'on tourne les pages, mais également de l'image sortie de la pellicule, de la musique et plus généralement du son libérés des CD. Cette grande dématérialisation n'est pas sans faire émerger de nouvelles inquiétudes concernant ceux qui décideront de la mémoire collective et les choix, arbitraires, peut-on penser, qui seront faits la concernant. Mais elle est également à l'origine de nouveaux espoirs ; ceux d'un nouveau livre total, un grandlivre sorti de la prison des supports.

dimanche 18 juin 2006

Cette histoire de livre-toujours-le-même

Un interlocuteur d'une époque pas si lointaine me disait à propos de l'oeuvre de Philippe Beck (mais peut-être cela n'a-t-il rien à voir ?) : pourquoi écrire dans une vie plusieurs livres ? A la vie (une, selon lui), devait correspondre un seul livre. Cette remarque m'avait intéressée, intriguée, et contrariée. De cette vision semble en effet émaner un fumet un peu chrétien. Le livre de X comme Le livre de Jérémie (par exemple).

mercredi 3 mai 2006

Différence et répétition

Le grandlivre prend parfois la forme de livres en série. C'est ce que je disais à un très grand ami. Je citais Thomas Bernhard que je lis avec frénésie, ou plutôt que j'ai lu frénétiquement avant d'avoir lu son livre Oui. Son livre Oui m'a tant plu, qu'aucun livre de Thomas Bernhard ne me semble à la hauteur de celui-là, du moins d'entre ceux que je n'ai pas encore lus. J'attends toujours la suite de Oui, en ouvrant ses autres livres, et ses livres ne sont jamais que la pâle imitation de Oui. Bien sûr, on y trouve des ressemblances, des motifs qui reviennent. Mais ce qui me plaisait tant dans Oui n'y est pas, ou y est sous une forme amaigrie, malade (ou pas assez malade).
A propos de Thomas Bernhard, je disais à ce grand ami qu'on ne peut sans doute faire qu'un seul livre dans sa vie. On n'a sans doute qu'une seule idée, que l'on passe sa vie à essayer d'approcher. Et je doute que l'on sache jamais avec précision ce qu'est cette idée. Tout comme on ne peut sans doute qu'écrire un seul livre, que l'on passe son temps à essayer d'approcher. Ce grand ami me disait : c'est vrai que Thomas Bernhard fait toujours le même livre. Ce qui est étonnant c'est qu'il y en ait qui soient meilleurs que d'autres.

mardi 28 mars 2006

Faites un effort

si vous ne faites rien pour le grandlivre, le grandlivre n'avancera pas. Le grandlivre a besoin de bouffer de l'humain, et pour qu'il y ait quelque chose à bouffer, il faut que vous y mettiez du vôtre.Tentez de faire un effort, de dire quelque chose d'un peu intéressant. Il n'est pas question de susciter une vague curiosité chez votre interlocuteur (si tant est que vous parliez à quelqu'un, la plupart du temps vous parlez dans le vide), d'inscrire dans la mémoire de tel ou tel une anecdote, encore moins une anecdotique pièce de Kultur. Mieux vaut alors que vous racontiez vos vacances, ou votre recette d'endives au jambon.
Dites quelque chose qui bouscule, choque, gifle, fasse perdre l'idée de ce que peut être la pensée. Toujours cela les grands penseurs au fond, les grands écrivains : ceux qui vident la pensée de la pensée. Ceux qui créent une confusion telle, que la pensée ne sait plus comment cheminer. Suscitent une énergie décuplée, mais sans arguments, sans déroulé, sans moule, sans forme. Devenez de grands écrivains et de grands penseurs, bordel. Cessez de vous enfoncer dans cette lamentable absence.

dimanche 5 mars 2006

c'est parti

c'est parti, le grand livre, commencé, sur le temps, avec l'idée de l'éclatement, de la toile d'araignée, ou du réseau fluvial, tant d'images que l'on retrouvera de part en part du livre, et qui feront peut-être à elles toutes un livre d'images, vous verrez comment. Mais le grandlivre est parti, dans le sens où l'esprit va, c'est-à-dire de l'avant, en ligne, dans la ligne de la pensée, on n'y peut rien, on écrit en ligne, linéaire, et pour écrire autrement, il faut penser, certes, mais il faut inventer une écriture nouvelle aussi, comment. Parti linéaire pour un parti pris éclaté, comment tout cela se peut-il, concilier la ligne et l'étoile, l'éclatement, comment.

vendredi 13 janvier 2006

A cheval sur le dada (isme)

Mais qu'est-ce qui se passe avec dada, le dada, le dadaïsme. On ne parle que de ça, que ce mot à la bouche, dada, dada. Une jeune fille dans un café parlant très haut : "ce soir on fait une soirée dada". L'explication suit : "une soirée où chacun apporte quelque chose de spèce à manger". On les célèbre, on les célèbre ces dadaïstes, mais personne ne semble savoir ce que l'on célèbre. L'expo à Beaubourg n'a servi qu'à une chose en réalité : démontrer que le dadaïsme n'a jamais été un mouvement artistique, autre que littéraire (et peut-on vraiment parler de mouvement , n'est-ce pas précisément un anti-mouvement ?). Avouons qu'il est bien délicat d'exposer des livres, ceux-ci se caractérisant précisément par ce qui ne peut être montré, ce qui se dérobe à l'oeil, ce que projette l'écriture sur les écrans invisibles de la pensée. Mais Beaubourg ne semble pas être de cet avis, ces derniers temps, et expose (par manque de subventions ?) beaucoup de livres, souvent choisis assez arbitrairement (de Catherine Millet à Jacques Roubaud). Arrêtez ! Arrêtez d'utiliser ce mot ! Dada vous démange la bouche ! Ecoutez ce que vous dites ! Arrêtez de parler sans savoir ce que vos bouches prononcent !

jeudi 5 janvier 2006

Dog star man

S. Brakhage. Dog star man. Le mouvement, toujours le mouvement, défilement rapide de couleurs, blanc, rouge, craquèlements de pellicule faisant comme des sortes de cellules microscopées. Si les plans du cinéaste barbu avançant dans la neige avec de petites bottines inappropriées m'ennuient plutôt, par contre, m'apparaissent très réussis les moments d'indiscernabilité de l'objet filmé. A force d'enchaîner les plans représentant corps de femme, ou volcans, ou roches, ou animal écorché au coeur encore battant, on ne sait plus ce que l'on voit : un sexe de femme , un volcan ? Est-ce du petit agrandi, ou du très grand qui parait petit ? Est-ce que c'est pas ce que l'on peut attendre du cinéma : de désapprendre à voir ?
Cela me semble proche de ce que fait Faulkner, dans le récit : le défilement de points de vue crée une indiscernabilité du sujet de la parole.

mardi 3 janvier 2006

Messe pour le temps présent

J'aime ce titre de Pierre Henry et de Michel Colombier, en ce qu'il oppose la messe qui célèbre toujours le futur, le futur apprécié par l'Eglise étant d'abord après la mort (celle du Voyage de P. Henry, de 1967, réalisé d'après le livre des morts tibétain), et cette messe nouvelle, qui se fout du futur post mortem, et célèbre les divers volumes du présent.