mercredi 14 décembre 2005

voilà

C'est en regardant cet homme dans le métro, en regardant ce type avec, un livre ouvert, sur les genoux. Je me suis penchée, toujours curieuse de voir, de savoir ce qu'ils peuvent bien lire tous ces gens, tous ces gens, rares, qui lisent dans le métro, et qui me font presque toujours penser à je ne sais plus quel film de Rohmer je crois "j'ai pile le temps de lire durant mon trajet en train : plus longtemps serait trop, et moins, pas assez. Le temps de mon voyage quotidien correspond exactement au temps qu'il me faut de littérature par jour" (ou quelque chose comme ça). Et là, comme presque à chaque fois, à la curiosité succèdent le ricannement et l'aigreur : un style ringardement à la mode me saute au visage, et me mord avec ses tirets, et ses dialogues soporifiques, me griffe avec ses images préfabriquées, où l'on pourrait presque déceler de l'amiante ( Eternit, l'ennui de l'éternité assuré en moins de quelques années d'exposition). Monologue intérieur habituel : mais où est passée la littérature ?
J'en viens à aimer les livres d'Hugo vus dans le métro, car c'est tellement rare, tellement rare, oui, de voir de la littérature dans les mains vues dans le métro, que je viens à aimer ce brave Hugo qui n'a passionné que mes quinze ans.
Vous me direz que je m'égare, mais non. Au spectacle de cet homme qui lit, devant tous les hommes, dans la même position, lisant des livres plein d'éternit, j'ai envie de cracher sur les pages, de les brûler dans la colère. Je me sens solidaire de tous les non-lecteurs, je les comprends profondément : le livre n'est rien de rien, et devrait disparaître au plus vite. Je me dis mais pourquoi pourquoi je devrais, moi, défendre ce vieux machin que l'on appelle littérature, et que tout le monde conchie, pourquoi me reviendrait-il à moi de prendre fait et cause pour ce pauvre Victor Hugo, moi qui ai peine à croire à quelque chose ?

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